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12 décembre 2009 6 12 /12 /décembre /2009 14:51

Bastien Hugues (lefigaro.fr)
11/12/2009 | Mise à jour : 17:46  


EN IMAGES - Trois clichés authentiques, pris clandestinement par un sous-officier allemand, ont été rendus publics cette semaine. Des images uniques prises au Mont Valérien, le 21 février 1944.

 

Ils sont là. Cloarec, Alfonso, Ramjan, Salvadori et les autres. Mains attachées aux poteaux, yeux bandés, au pied d'une falaise boisée, face à leurs bourreaux. Ils viennent d'être exécutés ou vont l'être d'un instant à l'autre.

Clemens Rüther, lui, est un sous-officier de la Wehrmacht. Ce jour-là, le 21 février 1944, il les a convoyés ici, au Mont Valérien, devant le peloton d'exécution. Puis s'est reculé en surplomb de la clairière. Pour veiller à la sécurité du site, ou pour se cacher. Seule l'histoire le sait. Une chose est sûre : clandestinement, il a décidé de fixer son objectif vers les condamnés. Des patriotes - la plupart étrangers - du célèbre réseau de Missak Manouchian, l'une des composantes des Francs-tireurs et partisans de la Main-d'oeuvre immigrée (FTP-MOI), d'obédience communiste.

Ses photographies, Rüther les garde pour lui et pour lui seul jusqu'en 1985, avant de les transmettre au comité allemand Franz Stock, du nom de l'aumônier militaire présent au côté des condamnés. En 2003, les images sont transmises à l'Etablissement photographiques des archives de la défense (Ecpad), où personne ne semble réaliser immédiatement la valeur de ces documents. Mais il y a quelques mois, Serge Klarsfeld, fondateur de l'association des fils et filles des déportés juifs de France, apprend leur existence, dans le cadre de ses recherches sur l'identification des quelque 1.000 fusillés du Mont Valérien entre 1941 et 1944.

Des photographies rendues publiques cette semaine par Serge Klarsfeld, avant la célébration dimanche du 68e anniversaire de la première exécution massive au Mont-Valérien, le 15 décembre 1941, au cours de laquelle furent fusillés 70 résistants ou opposants à l'occupant allemand, dont 52 juifs








Société 11/12/2009 à 00h00

Mont Valérien, 21 février 1944

Les derniers instants du groupe Manouchian, saisis clandestinement par un sous-officier allemand et dévoilés mercredi par Serge Klarsfeld, sont les premières images d’une exécution collective sur le site du fort.

Par THOMAS HOFNUNG

 

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Celestino Alfonso, Wolf Josef Boczor, Emeric Glasz et Marcel Rajman, face au peloton d'exécution le 21 février 1944. (Photo prise par Clemens Rüther) (AFP)

 

Pendant quarante ans, il a gardé précieusement les négatifs par devers lui sans en parler à personne. Ce n’est qu’en 1985, quelques mois avant sa mort, que Clemens Rüther s’est confié à un ami lors d’un pèlerinage à Rome : le 21 février 1944, ce sous-officier de l’armée allemande, catholique et résolument antinazi, avait pris à la dérobée des photos d’une exécution collective sur le mont Valérien, sur les hauteurs de Paris. Pas n’importe laquelle : celle du groupe Manouchian, les résistants - en majorité étrangers - qui figuraient sur la célèbre affiche rouge placardée sur les murs de la capitale.

Ce sont ces trois photos, prises avec un Minox, que l’avocat Serge Klarsfeld, le fondateur de l’association des fils et filles des déportés juifs de France, a dévoilé mercredi à Paris. Des photos totalement inédites : jusqu’à ce jour, il n’existait aucune image d’exécutions collectives au mont Valérien. C’est ici que 1 007 personnes, dont 174 juifs, ont été fusillées par les nazis. Soit vraisemblablement le quart du total des exécutions en France durant la Seconde Guerre mondiale.

Pour parvenir jusqu’au bureau de Serge Klarsfeld, qui depuis des années mène un travail d’identification de tous les fusillés au mont Valérien, le cheminement a été long. Sur les conseils de son ami, Clemens Rüther décide de confier ses négatifs au comité allemand Franz Stock, du nom d’un aumônier qui officia un temps au mont Valérien. En 2003, celui-ci transmet trois photos à l’Etablissement photographique des archives de la défense (ECPAD), installé au Fort d’Ivry (Val-de-Marne). Là, on semble ne pas avoir perçu la portée de ces documents, qualifiées de «reconstitutions». Informé récemment de leur existence, Klarsfeld, par recoupements, est parvenu à les authentifier. Il a établi que ces hommes qui font face au peloton d’exécution, les yeux bandés, sont bien des membres du réseau de Missak Manouchian.

L’avocat, qui effectue un travail de mémoire titanesque sur les victimes de la Shoah, avait déjà mis la main par le passé sur des documents exceptionnels : des photos du camp d’extermination d’Auschwitz prises par des SS, le seul cliché connu du Vél d’Hiv sous l’Occupation. Il a décidé de dévoiler ces images quelques jours avant le rassemblement annuel en mémoire des fusillés du mont Valérien organisé ce dimanche, jour anniversaire de la première exécution collective, le 15 décembre 1941, dans laquelle périt le communiste Gabriel Péri.

Il tire aussi de l’anonymat ce sous-officier allemand qui, à ses risques et périls, prit ces photos. On sait peu de choses sur Clemens Rüther, si ce n’est qu’il devint après-guerre directeur de banque. Affecté en 1944 au fort de Nogent-sur-Marne, il était chargé de la sécurité du tribunal militaire allemand et surveilla le procès du groupe Manouchian. Le 21 février, il convoya les condamnés à mort jusqu’au mont Valérien. Et décida de fixer sur la pellicule leur exécution. Comme un acte de résistance silencieux.


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