La géographie de la France industrielle découle en partie d'héritages mais surtout de profondes
transformations économiques qui se sont produites depuis les années 1960. Les espaces industriels se sont prondément transformés depuis l'entrée dans l'ère de la mondialisation, tant dans leur
localisation que dans leurs formes.
Les basculements territoriaux
Après la Seconde Guerre mondiale, l'espace industriel français s'était recomposé sur ses bases traditionnelles :
- vielles régions minières du Nord, de la Lorraine et du Massif central ;
- banlieues industrielles, notamment à Paris ;
- régions d'industries rurales (textile des Vosges et de Normandie),
- industries diversifiées du Jura ...
La carte de 1960
Jusqu'en 1960 , on observe une opposition entre une France de l'Est (industries de base et
de transformation) et une France de l'Ouest peu industrialisée. La carte des industries correspond aux bassins miniers, aux nébuleuses urbaines, aux ports (IAA et plates-formes
pétrolières) ainsi qu'aux bassins d'industries diffuses (textile de Haute-alsace, Normandie, Choletais, métallurgie des vallées de Sambre et Meuse, Massif central, verreries de Saint-Gobain).
Cette localisation s'explique par les facteurs prècis: proximité des matières premières pour les industries de base; proximité d'une main d'œuvre abondante pour la grande industrie (automobile en
particulier) notamment dans les grandes métropoles (Paris et Lyon); possibilités d'organiser des bassins d'emploi en milieu rural (Peugeot à Sochaux-Montbéliard et Michelin à
Clermont-Ferrand).
Cette organisation, en grande partie héritée des deux révolutions industrielles, est remise en cause dans les années 1960.
Le tournant des années 1960
1. La littoralisation : essor des zones industrialo-portuaires (ZIP) autour de la sidérurgie
(Dunkerque, Fos-sur-Mer), et des estuaires pétroliers (Basse-Seine) ;
|
|
ZIP de Dunkerque (Source: IGN)
|
Ce transfert de localisation est un choix de la DATAR pour faire face à concurrence internationale et bénéficier de la baisse des coûts des matières
premières : ZIP de Dunkerque (1963) et Usinor est restée plus grosse unité sidérurgique de France malgré baisse drastique des effectifs. ZIP de Fos décidée en 1968, mais on n'avait pas
anticipé la baisse des besoins en acier suite à la crise pétrolière.
2. Le charbon est remplacé par le pétrole. Les capacités
d'importation et de raffinage accrues et même trop importantes
(grands estuaires et ZIP).
Le déclin de l'extraction charbonière est inexorable. Aujourd'hui, la France n'exploite plus aucune mine sur son territoire. le pétrole a pris sa succession, notamment pour la production
électrique.
80% de l'électricité française est produite par centrales nucléaires : une seule condition de localisation, le refroidissement donc au bord de fleuve ou de mer.
3. La diffusion de l'industrie manufacturière vers l'Ouest sous
l'effet de la politique de décentralisation. Cette
décentralisation industrielle
bénéficie aux zones d'excédent de main-d'œuvre (masculine et rurale comme pour Citroën à Rennes et Caen, Renault au Mans et le long de la vallée de la Seine ; féminine pour
électronique grand public et électro-ménager ; immigrée dans la moitié nord et est de la France).
|
Carte extraite de Pierre Georges ,
« Nécessités et difficultés d'une décentralisation industrielle en France », Annales de Géographie, 1961, Vol. 70, n° 377, p.
25-36
|
4. L'effondrement des bases industrielles anciennes en raison de la crise économique des années 1970. La
désindustrialisation frappe toutes les régions de l'arc Nord-Est : NPDC, Lorraine, Picardie, Franche-Comté, région parisienne : les effectifs
industriels baisse de 25 % entre 1980 et 1994. Les pertes d'emplois sont également importantes en Haute-Normandie, en Champagne-Ardenne, en Bourgogne, en Auvergne.
Le centre de gravité de l'industrie s'est déplacé vers l'Ouest. Les régions résistant le mieux à la baisse sont Basse-Normandie, Pays de la Loire, Aquitaine et Midi-Pyrénées.
Seule la Bretagne a connu une légère progression.
5. L'attractivité accrue pour les zones littorales de climat
privilégié ou d'infrastructures tertiaires abondantes (métropoles régionales, technopôles, grands aéroports ...)
Une nouvelle carte se dessine avec une plus large diffusion vers l'Ouest et le Sud, mais aussi vers les régions
carrefour comme l'Alsace.
Les industries de haute technologie se concentre
- dans la capitale (réservoir de hautes qualifications, position de relais pour les grandes firmes mondiales, système complexe de relations entre le tertiaire périproductif, la
recheche fondamentale et appliquée et l'industrie, impulsions étatiques fortes dans technologies militaires et civiles);
- dans les grandes villes de l'ouest et du sud de la France : Rennes, Nantes, Bordeaux, Toulouse, Montpellier, Lyon, Grenoble.
Conclusion:
Les dynamiques industrielles
actuelles sont encore largement marquées par l'histoire du développement industriel. Les grandes régions industrielles apparaissent toujours à l'est d'une ligne Le Havre-Marseille. Mais le Grand
Ouest se rattache maintenant à ces foyers traditionnels par l'affirmation et l'extension des premières bases de développement industriel des années 60, notamment avec les Pays-de-la-Loire. En
dehors de quelques foyers importants, mais isolés comme Bordeaux ou Toulouse, le reste du territoire apparaît nettement moins industrialisé. Mais il faut y distinguer les régions qui constituent
la diagonale aride et qui sont en perte de vitesse, et celles dont le tissu industriel s'enrichit progressivement d'entreprises oeuvrant souvent dans le secteur des hautes technologies, et dont
l'avenir est autrement plus prometteur
Les nouveaux espaces industriels
On peut regrouper les nouveaux espaces industriels sous 3 principaux types:
1. Les métropoles
La métropolisation croissante de l'économie, expression d'un fonctionnement en réseaux des activités et des informations, de plus en plus décisif aux échelles nationale et mondiale, est
déterminante.
Les métropoles concentrent les activités de hautes technologies.
La grande ville offre en effet une série d'atouts:
- une main d'œuvre qualifiée;
- des nœuds de communication;
- un tissue dense de laboratoires, d'organismes de recherche et d'universités.
La métropolisation profite surout à Paris:
- seule ville mondiale du pays,
- concentration parisienne de toutes les activités stratégiques,
- concentration des activités de hautes technologies et des activités périproductives (banques, assurances, services aux entreprises, sièges sociaux...)
- Paris centre relais de la mondialisation en Europe
La polarisation parisienne s'est accrue. Paris est devenue capitale d'un nouveau système productif branché sur
l'Europe et le monde.
Lyon est la mieux placée après Paris : appareil productif diversifié et complet, adossé à un réseau urbain
régional cohérent et nœud de communication national et international. Les autres métropoles régionales comme Bordeaux, Toulouse, Montpellier... jouent le même rôle à l'échelle de leur
région.
2. Districts industriels
En France, on dénomme "systèmes productifs locaux" (SPL) les Distrcits industriels dont le modèle
est Italien.
L'exemple du Choletais :
- vieille tradition textile, le mouchoir de Cholet en lin reposant sur un tissu industriel et un savoir-faire
local;
- avec la crise du textile, la chaussure a pris le relais;
- aujourd'hui, l'agroalimentaire, la mécanique de précision, les constructions électrique et électronique complètent le dispositif industriel.
Les notions de "SPL", "districts industriels", "clusters", appliquées à des expériences de développement
économique local, recouvrent toutes les points de définition suivants (avec parfois des nuances selon les cas) :
- une concentration de PME-PMI sur un territoire géographiquement limité et défini par elles,
- spécialisées dans un secteur d'activité, autour d'un métier ou autour d'un produit
- concurrentes et complémentaires
- pouvant s'appuyer sur une structure d'animation et associant les autres acteurs du territoire.
Pour la Datar, la notion de SPL
recouvre "une organisation productive particulière localisée sur un territoire correspondant généralement à un bassin d'emploi. Cette organisation fonctionne comme un réseau d'interdépendances
constituées d'unités productives ayant des activités similaires ou complémentaires qui se divisent le travail (entreprises de production ou de services, centres de recherche, organismes de
formation, centres de transfert et de veille technologique, etc.).
(source : "Les systèmes productifs locaux", Datar, La Documentation française, Paris 2002.)
Autres exemples:
- La Cosmetic Valley :
www.cosmetic-valley.com
- La "Mécanic Vallée" :
www.aveyron.com/artisan/mecanic.html
- La "Plastic Valley" ou SPL Plasturgie d'Oyonnax : www.plasticsvallee.fr
La SPL regroupe, au total, 1 000 établissements (129 de plus de 20 salariés) et
12 000 emplois. Les fabrications y sont diverses : pièces techniques et articles divers en matières plastiques, jeux et jouets, meubles de jardin et d'extérieur, moules et modèles,
etc. La SPL a permis de construire une Maison des entreprises, de mettre en commun des informations sur les industriels en plasturgie
Sur les SPL, consulter:
Sur Géoconfluences "Systèmes productifs locaux : des dynamiques
contrastées".
Sur le site de la DIACT, un dossier sur les SPL.
3. Technopôles
Le plus grand technopôle français se trouve au sud-ouest de Paris : de la Défense à
Evry-Creteil en passant par Vélizy-Villacoublay-Orsay (universités scientifiques comme Orsay, grandes écoles comme Polytechnique, HEC, Supelec, Centrale, centres
de recherche comme le Centre d'Etudes Nucléaires à Saclay, laboratoires de recherche fondamentale, forte liaison entre le civil et le militaire très importante pour le nucléaire, l'aéronautique,
l'électronique informatique.
|
Vélizy-Villacoublay
|
|
|
C'est le résultat de la conjonction de décisions étatiques (grandes écoles, universités, activités militaires stratégiques) et d'un développement spontané
(installation des fonctions de conception, car synergie entre proximité de l'hypercentre et centres de recherches).
ZIRST de Meylan
|
|
L'État et la planification étatique sont à l'origine de la ZIRST de Meylan (Zone d'Innovation et
de Recherche Scientifique et Technologique) : tirer profit des activités de hautes technologies présentes à Grenoble, des labos nombreux, forte liaison entre université et industrie =>
création d'une zone d'activités à proximité du campus, où unités de production industrielle, laboratoires, unités de recherche, entreprises industrielles... A permis création de milliers
d'emplois de haute qualification.
Sophia-Antipolis aussi le fruit d'une planification étatique : jouer de l'effet sud pour
attirer activités de haute technologie sur la Côte d'Azur. Aménagement d'un parc dans la garrigue de Valbonne, à 10 km de Nice, Antibes et Cannes, bien relié à autoroute, aves zones
d'implantation d'entreprises, zones d'habitat, lieux de culture. A créé 20000 emplois, dont la moitié de cadres.
Aujourd'hui, 60 technopôles fonctionnels ou en projets, impulsés par collectivités
territoriales des grandes villes universitaires.
[Technopole sans accent : villes spécialisées dans les hautes technologies (Paris, Toulouse avec aéronautique, électronique, espace, chimie, nouveaux matériaux, et Grenoble
de l'hydroélectricité puis électrométallurgie et électrochimie à électronique, chimie...)].
Sources:
Y T , « La décentralisation industrielle et le Bassin parisien », Population,
1967, Vol. 22, n° 3, p. 527-543.
Pierre Georges , « Nécessités et difficultés d'une
décentralisation industrielle en France », Annales de Géographie, 1961, Vol. 70, n° 377, p. 25-36.
Bruno Durieux, « La décentralisation des emplois est surtout
le fait de l'industrie », Economie et statistique, 1974, Vol. 62, n° 1, p.
13-25.
Jacques Scheibling, Une industrie française ?, Documentation photographique, n°8012, décembre
1999.
Régis Guillaume , « L’emploi industriel en France et
son évolution 1994-2004 », Mappemonde, n° 90, 2008.
Roger Brunet, Loïc Grasland, « La recomposition du tissu industriel français »,
Mappemonde, n° 40-43, 1992.