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8 novembre 2012 4 08 /11 /novembre /2012 19:07

citroen1982.jpgLes documents qui suivent sont destinés à compléter ou illustrés par des exemples certains points de la leçon portant sur la place de l'immigration dans la société française.Il s'agit d'extraits d'articles d'historiens ou de sociologues sur la question de l'immigration.

Trois thèmes sont abordés: l'immigration dans le syndicalisme; les pratiques discriminatoires dans le monde du travail à l'encontre des immigrés; la question de l'immigration après mai 68.


 

 

 

Le mouvement ouvrier face aux travailleurs immigrés

Les relations entre le mouvement ouvrier français et les travailleurs immigrés évoluent au cours du XXe siècle. René Gallissot, ancien directeur de l'Institut Maghreb-Europe, retrace les grandes périodes de cette histoire complexe et nous fournit des explications

 

Pouvez-vous nous préciser les périodes clés, de l’entre-deuxguerres jusqu’aux années soixante-dix, dans les relations entre les syndicats et les travailleurs immigrés ?

R. G. : L’histoire des migrations se distingue par des cycles économiques – croissance/chômage – et des pics de réactions nationalistes (racisme et fascisme, montée de l’extrême droite…). Les cycles se chevauchent et se recoupent. De l’après-guerre de 1914 à la crise de 1929, on est en présence d’une double attitude syndicale qui oppose la CGT – réformiste, partisane de l’État social – et la CGTU – adepte de la lutte de classe et ouverte aux travailleurs étrangers. Ensuite, les attitudes vont changer.

Après la crise de 1929, la législation établit des discriminations protectionnistes dans le travail. En 1936, les immigrés sont fondus dans le mou vement antifasciste au nom de la classe ouvrière française. Les questions d’immigration passent au second plan. Ce phénomène se répète en 1945 avec l’apogée de l’assimilationnisme, notamment pour les travailleurs étrangers. Durant les Trente Glorieuses, la France se trouve dans une période de reconstruction et l’idéologie assimilatrice est dominante. Or, la main-d’oeuvre se renouvelle par les Algériens. D’ailleurs, la croissance ne dure que quinze ans (de 1956 à 1973) et c’est une période économique favorable qui développe l’État social.

Mais la guerre d’Algérie vient distiller sa haine et le racisme colonial se retourne contre les travailleurs arabes. C’est à ce moment-là que se développe une politique patronale paternaliste et discriminatoire à la fois, par exemple chez Citroën au sein d’associations musulmanes. Or, la distinction religieuse n’existait ni à l’intérieur du mouvement ouvrier ni dans la majorité de l’opinion.

À partir de 1973 et surtout depuis 15 ou 20 ans, les “Arabes” sont progressivement perçus comme des “musulmans”, même si la pratique religieuse est faible. Ce qui change la distinction, c’est l’inscription dans le conflit idéologique polarisé sur l’islam et entraînant des difficultés jusque dans le monde syndical.

Les conditions économiques et les vagues de racisme sont interdépendantes.

Durant les années qui suivirent le krach de 1929, le chômage n’était pas pris en charge par l’État ; des associations et des comités de soutien aux chômeurs s’organisaient et s’ouvraient parfois aux immigrés. En revanche, pendant la crise de 1973, l’État social intervient : il indemnise, tout en masquant le chômage par le développement de l’emploi précaire, les stages de formation. Il jongle avec les chiffres et les changements de statut. Le chômage est ainsi “géré” par l’État qui impose ses restrictions.

Le mouvement ouvrier face aux travailleurs immigrés

Les relations entre le mouvement ouvrier français et les travailleurs immigrés évoluent

au cours du XXe siècle. René Gallissot, ancien directeur de l'Institut Maghreb-Europe, retrace

les grandes périodes de cette histoire complexe et nous fournit des explications

 Immigration et marché du travail - N° 1263 - Septembre-octobre 2006 ,p.101-102

 


 

Les discriminations au travail: le cas des usines Renault

 

Pitti Laure, « Quand l'histoire éclaire les dessous de la discrimination positive », Plein droit, 2006/1 n° 68, p. 47-48.

 

Le 12 décembre dernier, un jugement était rendu par le conseil de prud’hommes de Boulogne-

Billancourt suite à la plainte déposée par cinq exsalariés et un salarié de l’entreprise Renault pour discrimination raciale dans la progression de carrière.

Le conseil les a déboutés. Il a jugé en premier lieu que, « sur les méthodes de gestion du personnel appliquées dès 1954, la SAS Renault [démontrait] que cette organisation avait essentiellement pour but d’aider les salariés d’origine étrangère » ; il n’a pas ce faisant « [constaté] de faits relatifs à une discrimination raciale dans cette gestion » et précisé que « les faits [devaient] être appréciés dans le contexte de l’époque où ils se sont déroulés avec des contraintes résultant de réorganisations et de fusions et de leurs conséquences économiques »(1).

Mais à quel contexte fait référence la date de 1954 mise en avant par le jugement, sans autre forme de précision ? En aucun cas à celui d’une réorganisation ou d’une fusion qu’aurait alors connues le constructeur économique ; celles-ci sont en effet postérieures. Il faut pouvoir lire entre les lignes pour resituer le contexte, un contexte sur lequel, précisément, ce jugement fait silence.

Car en 1954, l’entreprise alors nationalisée produisait et diffusait un document interne, Le problème « nord-africain » à la Régie nationale des usines Renault, dans lequel elle préconisait la mise en place de dispositifs d’encadrement et d’aide sociale « spécialement dévolus aux Nord-Africains »(2), lesquels, rappelons-le, étaient alors juridiquement français – protégés français pour ceux qui venaient du Maroc et de la Tunisie, sujets français pour ceux, alors majoritaires à Renault, qui arrivaient d’Algérie. Un arrêté du ministère du travail rappelait, en 1949, que ces derniers étaient part intégrante de la main-d’œuvre nationale et leur embauche était jugée prioritaire sur celle de la main-d’œuvre étrangère. De tels dispositifs ne visaient donc pas à aider « les salariés d’origine étrangère » mais bel et bien les

« Français musulmans d’Algérie » selon la dénomination institutionnelle de l’époque, alors communément appelés « Nord-Africains » lorsqu’ils vivaient et travaillaient en métropole. Si les dispositifs mis en place visaient en effet à les « aider », on ne peut en vérité ignorer, ne serait-ce qu’à la lecture de l’édition du Monde datée du 6 novembre 1954 rendant compte de la publication du Problème « nord-africain » à la Régie nationale des usines Renault, qu’ils étaient destinés à recruter et à gérer de manière différenciée les travailleurs venant d’Afrique du Nord(3).

Certes, la différenciation coloniale était de mise à l’époque, érigée en système de gestion dans le monde du travail au-delà de la seule entreprise Renault et, au-delà du monde du travail, dans tous les aspects de l’administration de cette population coloniale, comme l’a récemment montré le livre d’Alexis Spire(4). Le ministère du travail, par une circulaire de janvier 1949, n’enjoignait-il pas les entreprises de plus de cinq cents salariés à comptabiliser leur personnel en distinguant les « Français », les « étrangers » et les … « Nord-Africains » ? Preuve que ces derniers n’étaient pas, de fait, considérés à l’époque comme des citoyens français en métropole – ce qu’ils étaient pourtant de droit depuis 1947. Soit dit en passant, que ces mesures statistiques soient allées de pair avec des dispositifs de gestion différenciée à l’endroit des « Nord-Africains »(5) incite vivement à réfléchir sur les effets pratiques de l’usage de catégories ethniques dans la mesure des populations.

Certes, on peut comprendre la volonté d’un conseil de prud’hommes de s’extraire des feux du débat public pour juger en toute sérénité, à un moment, précisément, où l’histoire et la mémoire de la colonisation font fortement débat et où le pass colonial est, souvent trop rapidement, traduit en présent post-colonial. Mais précisément, que penser d’un tel jugement sinon qu’il est au mieux contradictoire, sinon scandaleux, lorsque, au mépris d’une contextualisation historique qu’il appelle pourtant de ses voeux, celui-ci érige une différenciation coloniale en signe, voire en preuve, d’une discrimination positive ? De la discrimination positive à l’histoire « positive » de la colonisation, il n’y a qu’un pas… que ce jugement semble bel et bien avoir franchi.

 

* Laure Pitti est l’auteur d’une thèse sur les Ouvriers algériens à Renault-Billancourt de la guerre d’Algérie aux grèves d’OS des années 1970.

 

(1) Conseil de Prud’hommes de Boulogne-Billancourt, Jugement. Audience publique du 12 décembre 2005, p. 16.

(2) Régie Nationale des Usines Renault (RNUR), Le problème « nordafricain» à la RNUR, documentation technique, 10 novembre 1954, 9 p.,p. 6.

(3) Cf. Laure Pitti, « Les «Nord-africains » à Renault au début des années 1950 : un cas d’école de gestion coloniale de la main-d’œuvre en métropole », Bulletin de l’IHTP, n° 83, premier semestre 2004, pp. 128-143, consultable sur www.ihtp.cnrs.fr/dossier_monde_colonial/sommaire.html et « De la différenciation coloniale à la discrimination systémique ? La condition d’OS algérien à Renault, de la grille Parodi à la méthode Renault de qualification du travail (1945-1973 », La Revue de l’IRES, n°46, 2004/3, pp. 69-107, consultable sur www.ires fr.org/files/publications/revue/R46/R463.pdf

(4) Alexis Spire, Étrangers à la carte. L’administration de l’immigration en France, Paris, Grasset, 2005.

(5) Cf. Laure Pitti, « Catégorisations ethniques au travail. Un instrument de gestion différenciée de la main-d’oeuvre », Histoire & Mesure, 2005, XX-3/4, pp. 69-101.


 

 

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Zancarini-Fournel Michelle, « La question immigrée après 68 », Plein droit, 2002/2 n° 53-54, p. 3-7.

 


 

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