We Feed the World est un film documentaire autrichien réalisé par Erwin Wagenhofer sorti en 2007. Il
propose aux spectateurs un regard sur l'agriculture mondiale moderne. En passant par la Roumanie, l'Autriche, le Brésil, la France et l'Espagne, son enquête se focalise sur la manière dont est
fabriqué ce qui arrive dans notre assiette. Il montre que la domination du Nord sur le Sud est encore présente dans ce domaine. Comment est-il possible qu'en Afrique on achète des produits
européens ou asiatiques comme le poulet thaïlandais ? Comment, alors que tous les experts reconnaissent que la planète est capable de nourrir l’ensemble de ses habitants, la famine et
la misère rurale persistent-ils dans le monde ?
Critique
"Le Marché de la faim" : tir nourri contre
l''agrobusiness'
Le Monde | 24.04.07 |
16h46 • Mis à jour le 30.04.07 | 08h34
Détruisons aujourd'hui notre pain quotidien. C'est ce que font les
grandes chaînes de boulangerie de Vienne, en Autriche. Chaque jour, 20 % à 25 % de ce qui a été sorti du four est mis au rebut. Soit l'équivalent de ce qui est consommé à Graz, la deuxième ville
du pays. Une partie de ces déchets est donnée aux cochons, le reste prend le chemin de la décharge ou des incinérateurs d'ordures. Ce n'est qu'un exemple, symbolique, de l'incohérence de la
politique alimentaire mondiale. En 2004, l'Organisation des Nations unies a constaté qu'avec ce qu'elle produisait l'agriculture était en mesure de nourrir 12 milliards de personnes. C'est-à-dire
le double de la population du globe. Il y a donc, sur notre planète, suffisamment à manger pour tous. Mais la nourriture n'est pas bien répartie.
Autre exemple d'absurdité assassine : le Brésil est l'un des plus
puissants pays agricoles du monde. On y produit plus de 100 millions de tonnes de céréales par an. Mais la majeure partie de ces cultures est destinée à la nourriture du cheptel des pays
européens. La forêt amazonienne est progressivement rasée (l'équivalent de la surface de la France et du Portugal, depuis 1975) afin d'étendre les champs de soja, dont ne profitera pas une
population qui souffre de malnutrition chronique.
Voilà le sujet de cet effrayant documentaire, l'objet du scandale : les ravages de
l'agriculture industrialisée, le cynisme des multinationales de l'agroalimentaire. Erwin Wagenhofer, cinéaste et journaliste, a enquêté dans quelques pays, soulevé des problèmes emblématiques.
Son film met le doigt sur les conséquences écologiques et sociales désastreuses de l'exploitation intensive des terres. Le Marché de la faim fait état d'un chaos, générateur d'injustices
et de pollution. Il dénonce l'emploi dangereux des techniques génétiques et les manipulations politiques. Ce n'est pas tant, comme on a pu le voir ailleurs, le transport des animaux, l'élevage en
batterie, l'arnaque aux subventions, la vache folle ou la grippe aviaire qui sont désignés dans ce cri d'alarme sur la malbouffe, mais plutôt la philosophie des extrémistes de la consommation et
du libre-échange. Avec cette question annexe : qu'est-ce qu'un marché libre s'il est pratiquement monopolisé par les cinquante plus grands groupes mondiaux ? A la fin du film, l'Autrichien Peter
Brabeck, PDG de Nestlé (leader mondial du secteur de l'eau en bouteille), conteste l'"avis extrême" des ONG qui souhaitent voir l'eau reconnue comme un droit public ("En tant
qu'êtres humains, vous êtes en droit d'avoir de l'eau"), et, sans gêne, défend sa thèse : "L'eau est un aliment, elle devrait donc avoir une valeur
marchande..."
Les statistiques tombent, les hommes témoignent, les images parlent, avec éloquence.
Voilà un pêcheur de Concarneau (Finistère). Cet artisan n'a pas de sonar sur son bateau, il sait à la minute près, en observant la lumière, quand il faut jeter ses filets. Le film nous montre la
différence entre le turbot qu'il vend sur le marché et les poissons drainés par les pêches industrielles, dans les grands fonds. Elle est visible à l'oeil nu, elle se vérifie au toucher. D'un
côté la bête frémissante du pêcheur breton, de l'autre ces cadavres aux yeux explosés par la pression dans les nasses géantes. Ces poissons-rats, qui "ne sont pas faits pour être mangés, mais
pour être vendus".
CULTIVATEURS CONDAMNÉS
Nous voilà maintenant en Espagne, à Almería, où 30 000 serres ont été installées sur
35 000 hectares : la métropole de l'élevage de la "tomate de combat", qui pousse dans de la laine de roche enrichie de minéraux et de substances nutritives, pour les supermarchés
d'Europe. Cette boule rouge et sans goût est-elle le fruit d'une plante ? Elle fait partie des légumes andalous qui, grands voyageurs, font 3 000 kilomètres en camions pour arriver dans nos
assiettes.
Les semences viennent de Roumanie, génétiquement modifiées : elles condamnent le
cultivateur de maïs mexicain à devenir un réfugié économique dans son propre pays. Comme le paysan sénégalais, dont les légumes sont un tiers plus chers que les légumes européens installés sur
les marchés.
Pour compléter ce film édifiant, Erwin Wagenhofer publie un livre (avec Max Annas) :
Le Marché de la faim (Actes Sud, 192 p., 20€). Où l'on s'interroge sur ce que nous avalons, et sur le sens de cette fuite en avant qui tue plus de gens (des pays pauvres) que les
guerres. Pas de crabe dans la "chair de crabe", pas de fraises dans le "yaourt aux fraises". Le poulet qu'on nous fait manger est-il encore un animal ? "Quelque chose ne tourne pas rond sur
notre planète." Jean-Luc Douin
Interview d'Erwin Wagenhofer :
"Tout film consacré à la production des aliments ne peut être qu'un cri d'alarme"
http://www.vousnousils.fr/page.php?P=data/ca_vous_parle/pedagogie_et_culture/&key=itm_20070417_180627_we_feed_the_world.txt&ShowOnlyDetail=1#
La situation mondiale alimentaire se
détériore
Presque comme une illustration du documentaire We Feed the World, depuis plueirus semaines, les jounaux
font état de la dégradation de la stuation alimentaire dans le monde en raison de l'augmentation régulière des prix des produits alimentaires. Le graphique ci-dessous en est une
illustration:
Sur ls site de Rue89, l'article de Pascal Riché "Le prix des
céréales provoque la révolte du tiers-monde" Pascal Riché, présnte un bilan synthètique de la hausse des prix et de leurs causes.
(09/04/2008)
URL source: http://www.rue89.com/2008/04/09/le-prix-des-cereales-provoque-la-revolte-du-tiers-monde
Courrier international - 7 avr. 2008
Revue de presse
AFRIQUE - Les émeutes contre la vie chère se multiplient
La colère monte dans de nombreux pays d'Afrique particulièrement touchés par
l'augmentation mondiale du prix des denrées de première nécessité. La stabilité et la croissance économique du continent s'en trouvent menacées.
"Le continent africain est traversé par une bourrasque. L'accélération prévisible et
attendue de la hausse des prix a entraîné de violents mouvements sociaux, qui ont même tourné à l'émeute", rapporte le quotidien d'Abidjan Fraternité Matin. "La Côte-d'ivoire n'a pas été épargnée par la tempête, elle a vécu quarante-huit heures de folie avec à la clé deux morts
qu'on aurait pu éviter." De même au Cameroun, en février dernier, 40 personnes ont été tuées par les forces de l'ordre et, selon le quotidien Cameroon Tribune,
"729 personnes ont été à ce jour condamnées à des amendes ou à des peines de prison allant de trois mois à six ans". Au Sénégal, "les premières émeutes de la faim du 31 mars ont été
violemment réprimées ; on compte des dizaines d'arrestations dans le camp des marcheurs", note le quotidien de Dakar Wal
Fadjri.
"Vie chère rime avec galère, mais surtout misère pour les couches sociales les plus fragilisées", souligne l'hebdomadaire burkinabé San
Finna, qui décrit les marchés des quartiers populaires presque vides, "de plus en plus de
personnes qui passent la journée sans manger, des enfants le ventre gonflé, chassés de l'école parce que les parents ne peuvent pas payer les frais de scolarité". Quant au riz ordinaire, "la
qualité d'origine asiatique, de loin la plus consommée au Burkina Faso, est en voie de disparition sur le marché national à cause de la flambée des prix", précise le quotidien
Le Pays. Incapable d'importer les denrées alimentaires de première nécessité, les autorités burkinabés vont maintenant faire face à la colère de la population ; un
préavis de grève générale a été déposé dans tout le pays pour les 8 et 9 avril.
Fraternité Matin déplore l'impuissance des Etats africains devant la menace inflationniste, "qui reste suspendue sur les têtes comme une épée de Damoclès." Le chef de l'Etat ivoirien,
Laurent Gbagbo, qui a pris quelques mesures d'urgence pour calmer les esprits, a raison d'affirmer que "si la fièvre a baissé, la maladie n'est pas guérie".
Les ministres de l'Economie et des Finances des pays africains, réunis à Addis-Abeba les 28, 29 et 30 mars, n'ont pu que constater que "l'augmentation des prix mondiaux des produits
alimentaires présente une menace significative pour la croissance, la paix et la sécurité en Afrique". Parmi les solutions proposées pour sortir de la crise, outre des allégements fiscaux et des
droits de douane revus à la baisse, l'accent a été mis sur la capacité de l'Afrique à se nourrir elle-même.
Anne Collet
L'Afrique piégée par la flambée des prix des aliments
Le Monde | 04.04.08 | 14h15 • Mis à jour le 04.04.08 |
14h15
La rue africaine ne parle que de cela : les prix des denrées quotidiennes sont
devenus fous. En quelques mois, la conjonction des hausses du blé, du riz, de l'huile sur les marchés mondiaux, de médiocres récoltes locales et l'absence de contrôle des prix, a accru les
tensions sociales et compromis la stabilité politique.
Spectaculaire dans les villes africaines mais prégnante aussi en Asie, la flambée
des prix a confirmé les propos de Jacques Diouf, le directeur général de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) prophétisant, dès octobre 2007, des
"émeutes de la faim" alors que le prix moyen d'un repas de base a augmenté de 40 % en une année."Beaucoup de gens ne mangent plus qu'un plat par jour", entend-on à Dakar. "Avec
1 500 francs CFA (2,25 euros) pour nourrir ma famille, je ne sais plus quoi faire", dit une ménagère sur un marché de Bamako, au Mali.
De Douala (Cameroun) à Abidjan (Côte d'Ivoire) et du Caire (Egypte) à Dakar
(Sénégal), les manifestations de rues secouent les capitales africaines et contraignent les gouvernants à prendre des mesures pour contrôler les prix.
"Gbagbo, marché est cher",
"Gbagbo, on a faim", clamaient lundi 31 mars des femmes d'Abdidjan à l'adresse du président ivoirien. Des affrontements avec la police ont causé la mort d'au moins deux personnes. De
fait, le prix du kilogramme de riz est passé de 250 à 650 francs CFA (de 0,22 à 0,97 euro) au cours de l'année ; celui de l'huile a augmenté de plus de 40 %. Le savon, le lait, la viande ont
suivi, ce dont ne rendent pas compte les chiffres officiels (8 % d'inflation en 2007 pour l'ensemble du continent noir). "Dans les pays de la zone CFA, la hausse serait encore plus importante
si le franc CFA n'était pas accroché à l'euro, une devise forte. Le coût des importations en est diminué d'autant. Les pays dont la monnaie est accrochée au dollar souffrent davantage",
assure un économiste de l'Agence française de développement (AFD).
Suppression des droits de douane et baisse de la TVA : le chef de l'Etat ivoirien,
comme ses homologues camerounais, sénégalais ou égyptien confrontés eux aussi à la rue, s'est engagé à faire baisser les prix en jouant sur les rares leviers que l'Etat maîtrise encore. La
recette n'est pas de celles que le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale préconisent car elle pèse sur les finances publiques.
Seule la gravité de la situation a amené les institutions financières à se montrer
plus accommodantes vis-à-vis des pays en développement. Le gouvernement égyptien a ajouté une mesure plus radicale : l'interdiction temporaire d'exporter le riz produit
localement.
Aucun pays n'est à l'abri de troubles. A Dakar, une manifestation interdite
"contre la vie chère" a dérapé dimanche 30 mars, trois mois après l'annonce de mesures pour contenir l'inflation : suppression de taxes sur le riz, création de "magasins témoin"
exemplaires par la modération de leurs prix, diminution du traitement des ministres et même du chef de l'Etat. Les mesures n'ont pas produit l'effet escompté. "Les commerçants n'ont pas joué
le jeu et l'Etat n'a plus les moyens de contrôler", constate Mamadou Barry, de l'ONG sénégalaise Enda.
Au Maroc, secoué lui aussi par des manifestations "contre la vie chère",
des rassemblements sont prévus en avril. La marge de manoeuvre du gouvernement est réduite. Cas rare en Afrique, une "caisse de compensation", prend partiellement en charge, au Maroc, la hausse
des produits de première nécessité mais son enveloppe, augmentée dans le budget 2008, sera épuisée cet été.
En Mauritanie où l'autosuffisance alimentaire ne dépasse pas 30 %, la situation est
encore plus dramatique. Incapable de financer l'importation de denrées agricoles, le pays va connaître "une crise alimentaire sérieuse en 2008", a prévenu le Programme alimentaire
mondial (PAM) des Nations unies.
Au Burkina Faso, une commission parlementaire "contre la vie chère" a été
installée après les manifestations de la mi-mars dans plusieurs villes . Les syndicats appellent à une "grève générale" les 8 et 9 avril pour réclamer des augmentations de salaires, le
contrôle des prix et la réduction des taxes sur les carburants.
Conseiller pour l'Afrique au Fonds monétaire international (FMI), Eugène Nyambal
estime que la situation est le résultat des politiques prônées par les institutions financières internationales. Depuis des décennies elles ont encouragé les cultures d'exportation comme le
coton, au détriment des cultures vivrières qu'il était plus avantageux d'acquérir, à bas prix, sur le marché international. Elles ont aussi poussé au démantèlement des structures de contrôle des
prix. "La plupart de ces pays attendent des solutions de la Banque mondiale ou du FMI qui sont eux-mêmes dépassés par les évolutions récentes", ajoute-t-il, insistant sur les
conséquences des troubles actuels sur les régimes en place qui n'ont pas développé de politique de soutien à l'agriculture locale. Jeudi soir, à l'occasion de la fête de l'indépendance, le
président sénégalais Abdoulaye Wade a ainsi annoncé la relance d'un "programme national d'autosuffisance" agricole.
La Banque mondiale a fait amende honorable dans son dernier rapport annuel et mis
l'accent sur la renaissance des cultures vivrières. Il faudra des années pour modifier le modèle de développement.
Philippe Bernard et Jean-Pierre Tuquoi